Appel de Béziers 2012

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L'air pourtant se respire (Réflexions)

L’air pourtant se respire…
Jean Giraudoux termine sa pièce « Electre » par cette double réplique : -Comment cela s’appelle-t-il quand le jour se lève, comme aujourd’hui, et que tout est gâché, que tout est saccagé, et que l’air pourtant se respire… -Cela a un très beau nom. Cela s’appelle l’aurore. Lundi matin, l’air était plus léger. On se réveillait d’un long cauchemar. La vulgarité, l’inculture, la cupidité et la corruption avaient cessé de régler nos persistantes angoisses. S’en est allé, enfin, cet être clinquant, imbu de lui-même, soucieux de mise en scène, hâbleur taillé pour toutes les rodomontades, proférant dans un désert d’idées les contre vérités les plus grossières, soumis aux puissants, dur aux faibles, et finalement ne laissant derrière lui que ruine et désolation. Est-ce pour autant l’aurore annoncée par le poète ? Voici qu’apparaît un homme rond et souriant, qui proclame sa normalité comme d’autres exhibaient leur rolex ou leur prédilection pour les yachts de leurs fortunés amis. Voici déjà un autre style, un autre langage, une simplicité apparente et de bon aloi. Voici surtout celui qui nous a débarrassés de l’autre, et qui, ne serait-ce que pour cela, peut prétendre à notre reconnaissance. Mais de cela, nous ne pouvons nous contenter. Nous ne pouvons oublier que celui qui, dans un discours retentissant, a déclaré la guerre à la finance, est aussi celui qui, avec d’autres, a donné son accord, exprès ou tacite, à la signature de traités qui ont proclamé la suprématie du financier sur le politique, et la soumission des gouvernements aux puissances d’argent. Car c’était ça que de vouloir que « l’Union offre à ses ressortissants un marché unique où la concurrence est libre et non faussée ». C’était ça le traité constitutionnel de 2005. C’était ça le traité de Lisbonne de 2008 auquel il aurait été si facile de s’opposer. Dès lors, quel changement politique profond espérer ? Quelle nouvelle répartition des richesses attendre, sinon superficielle ? Quel effort demandera-t-on aux classes privilégiées sinon d’apparence pour n’effrayer personne ? Quelle contestation du capitalisme spéculatif ? Quelle remise en cause du pouvoir des banquiers ? Quelle autre Europe ? Autant de questions lancinantes auxquelles on attendra des réponses pendant les mois et les années qui s’annoncent, avec le seul espoir de ne pas être trop déçu. L’aurore ne sera qu’une lointaine, très lointaine perspective. Béziers le 11 Mai 2012.